Prévention des ITSS : informer, dépister, traiter

Par : Alexandre Haslin

Les récents progrès en matière de lutte contre les infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) sont remarquables : prévention, démocratisation des dépistages, vaccins, traitements… De nombreux efforts sont mis en œuvre pour réduire l’impact des ITSS sur la santé globale de la population. Pourtant, de nombreux services sont encore méconnus, et l’on constate même une recrudescence de certaines infections au Canada, notamment du VIH/sida. Pour y répondre, les milieux médical et communautaire unissent leurs forces pour permettre à la population d’accéder à des services de prévention, dépistage et prise en charge rapide, gratuits et efficaces.

 

De nombreuses ressources, souvent méconnues

Si les ITSS sont souvent associées au VIH/sida, notamment en raison de la gravité de l’épidémie apparue dans les années 1980 et qui a lourdement endeuillé les communautés LGBTQ+ montréalaises, plusieurs autres ITSS circulent au sein de la population, avec des impacts significatifs sur la santé des personnes :

  • Syphilis,
  • Chlamydia,
  • Gonorrhée,
  • VPH (virus du papillome humain),
  • Hépatites B et C...

Pour contrôler au mieux la circulation de ces infections, plusieurs ressources offrent à la population des services de dépistage gratuits, rapides et confidentiels. Ces services sont majoritairement concentrés autour du Village, quartier inclusif de Montréal, historiquement au cœur de la lutte contre les ITSS. Mais d’autres initiatives sont également développées ailleurs dans le Grand Montréal pour permettre à des personnes d’accéder à des services complets d’information, accompagnement et prise en charge.

Les SIDEP

Le réseau Aire ouverte

Les cliniques et autres ressources

Les Services intégrés de dépistage et de prévention des ITSS (SIDEP) sont des programmes de santé publique que l’on retrouve partout au Québec, intégrés à des Centres locaux de services communautaires (CLSC). Les SIDEP peuvent offrir leurs services de dépistage sur place, mais aussi dans des organismes communautaires, des centres de thérapie ou encore des centres de détention.

Les Aires ouvertes sont des espaces dédiés aux jeunes âgés de 12 à 25 ans, qui offrent un accès facile et gratuit à des services de soutien psychosocial, de santé mentale et physique, incluant la santé sexuelle. Les dépistages d’ITSS peuvent être offerts gratuitement par les aires ouvertes.

Centres de santé des femmes, cliniques des jeunes, ressources spécialisées pour les travailleurs.ses du sexe, lignes d'information... plusieurs autres ressources oeuvrent en prévention et dépistage des ITSS, que ce soit leur mission principale ou l'un de leurs services. Pour obtenir une liste complète de ces ressources et des informations détaillées, contactez notre équipe en composant le 2-1-1 ou en utilisant le clavardage.
 

Une synergie entre les milieux médical et communautaire

Les cliniques spécialisées

Parmi les ressources existantes, la clinique médicale La Licorne, qui rassemble médecins de famille et infirmier.ères formé.es en santé sexuelle. Comme d’autres cliniques spécialisées en santé sexuelle, La Licorne dessert prioritairement les communautés LGBTQ+, les personnes en situation d’itinérance, les travailleurs.euses du sexe ou encore les personnes utilisatrices de drogues par injection ou inhalation.

« Comme on est situés dans le village, plus de la moitié de nos patients sont des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH). Mais on est ouverts à tout type de public. » explique Mathieu Guindon, directeur de La Licorne. « On voit d’ailleurs de plus en plus de personnes hétéros et du Grand Montréal se déplacer pour nos services. »

La spécialisation en santé sexuelle ne se mesure pas qu’à l’expertise en matière d’ITSS, mais aussi à l’ancrage au cœur des communautés les plus vulnérables et à la bonne connaissance de la diversité des publics desservis. « Notre créneau, c’est un espace inclusif, où tout le monde est à l’aise et reçu dans la dignité. » explique Mathieu Guindon. « On a développé une expertise avec les communautés trans et non-binaires par exemple. Le personnel est formé, on va utiliser les bons pronoms, et même utiliser un prénom d’usage si la personne le souhaite. On veut que tout le monde soit à l’aise. »

En plus de La Licorne, d’autres cliniques offrent des services similaires, au cœur et alentours du Village, comme la clinique l’Actuel, pionnière dans le domaine de la santé sexuelle au Québec, la clinique médicale urbaine du Quartier Latin, Quorum ou encore SIDEP+.

Ces différentes ressources sont elles-mêmes pluridisciplinaires au sein de leur propre structure. Les équipes sont généralement très diversifiées (médecins, infirmiers.ères, travailleurs.euses sociales, psychologues, intervenant.es en toxicomanie…) ainsi que les services offerts.

Au-delà des dépistages, les cliniques peuvent aussi prescrire certains vaccins si la personne est à risque (hépatites A et B, VPH). Concernant le VIH, les outils de prévention se sont nettement développés et il est maintenant possible de prescrire la prophylaxie pré-exposition, ou PreP. Il s’agit d’un médicament qui, pris quotidiennement, réduit le risque de contracter le VIH jusqu’à 97 %.

Si une personne croit avoir été exposée au VIH (rapport sexuel non protégé, partage de matériel d’injection ou d’inhalation…), les cliniques spécialisées peuvent aussi offrir l’accès à la prophylaxie post-exposition, ou PPE, si le ou la professionnel.le de santé juge que le risque est réel. Il s’agit cette fois d’un médicament administré dans les 72h suivant la prise de risque.

Un lien constant avec le réseau communautaire

La prévention et la prise en charge efficaces en matière d’ITSS reposent notamment sur une synergie constante entre organismes communautaires, laboratoires, cliniques médicales et pharmacies. Cette collaboration permet aux organismes d’offrir aux communautés une panoplie de services complets, allant de l’information générale à la prise en charge médicale, sans négliger le soutien et l’accompagnement.

« On a besoin des organismes, qui ont l’expertise psychosociale. Nous, on offre le médical. »

« On est interdépendants » explique Mathieu Guindon. « On a besoin des organismes, qui ont l’expertise psychosociale. Nous, on offre le médical. » Il prend en exemple la Zone Rose, une initiative de l’organisme RÉZO expérimentée pour la première fois en 2023. Il s’agit d’un container installé dans le Village durant deux mois d’été, qui permet un accès à des professionnel.les en intervention psychosociale, des travailleurs.euses de rues et des infirmier.ères pour les services de dépistage, en collaboration avec les cliniques spécialisées du quartier.

RÉZO est d’ailleurs au cœur de la prévention des ITSS à Montréal, avec de multiples services tels que la distribution de préservatifs, la prévention sur le terrain (bars, saunas…), la mise en place de cliniques communautaires de dépistage ou encore ses divers partenariats avec les cliniques spécialisées.

Du côté de Laval, on peut citer l’organisme la Sphère, qui offre une approche globale de la santé sexuelle. « On propose une approche de réduction des méfaits, inclusive et anti-oppressive » explique Camille, sexologue et créatrice des contenus pédagogiques d’éducation sexuelle de l’organisme. Les services de l’organisme sont accessibles aux personnes de Laval et des environs, mais pas seulement. « On peut tout à fait servir des personnes de Longueuil ou Montréal, par exemple, si nos services correspondent mieux à leurs besoins. »

La Sphère, qui abrite de nombreuses ressources d’information sur les ITSS, offre également un service hebdomadaire de dépistage gratuit, anonyme et sans carte d’assurance maladie nécessaire, en collaboration avec le SIDEP de Laval. Les conditions d’accès sont disponibles sur le site. Depuis 20 ans, l’organisme offre également un programme d’information, prévention et dépistage nommé Vénus et destiné aux travaillers.euses du sexe. « On va parfois se déplacer à la rencontre de ces publics, par exemple dans des bars pour y offrir de l’information, du matériel comme des condoms, du lubrifiant. » précise Camille. « C’est déjà arrivé qu’une infirmière du SIDEP nous accompagne pour y faire des dépistages. »

Avec ou sans RAMQ?

Les services présentés ci-dessus sont généralement gratuits, car pris en charge par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). C’est le cas de la Sphère ou encore de Rézo. Certains organismes et cliniques peuvent toutefois charger un faible montant, entre 10 $ et 20 $, par exemple pour les frais d’envoi des prélèvements au laboratoire.

Du côté des traitements en cas de test positif, là encore, ils sont majoritairement pris en charge par la RAMQ, intégralement ou partiellement.

Qu’arrive-t-il lorsqu’on n’est pas couvert par l’assurance maladie?

Travailleurs.euses temporaires et étudiant.es étrangers, nouveaux et nouvelles arrivant.es, réfugié.es, touristes… de nombreuses personnes établies plus ou moins temporairement au Québec n’ont pas de carte d’assurance maladie.

Si la carte de RAMQ est requise pour la majorité des services, plusieurs organismes offrent quand même des services de dépistage accessibles gratuitement sans carte de RAMQ. C’est le cas notamment de la Sphère à Laval, ou Rézo à Montréal. Mais l’accès est généralement réservé aux publics vulnérables (HARSAH, personnes consommatrices de drogues, travailleurs.euses du sexe…). Pour le reste de la population, on peut observer des trous de service, particulièrement hors du Grand Montréal.

« Un dépistage peut coûter 400 $. […] Souvent les assurances privées ne couvrent pas les dépistages, car les compagnies considèrent que ce sont des populations à risque. »

« Pour des étudiant.es hétéros, c’est un enjeu car il manque de programmes, même dans les universités. […] Or, un dépistage peut coûter 400 $. […] Souvent les assurances privées ne couvrent pas les dépistages, car les compagnies considèrent que ce sont des populations à risque. » déplore M. Guindon.

Et pour les étudiant.es étranger.ères qui ont la RAMQ, c’est souvent sans l’assurance médicaments. « Ils ont accès au dépistage, mais doivent payer pour les traitements. » lorsqu’une infection est détectée ou qu’un vaccin est recommandé. Or ces traitements coûtent cher, et ces populations sont souvent précaires.

« Quand la variole simienne (mpox) est arrivée sur le territoire, le Québec a été très réactif : on vaccinait tout le monde, avec ou sans RAMQ. On est capable de le faire. […] Ça représente un coût au départ, mais au final tout le monde est gagnant », car en matière d’ITSS comme de vaccin, se protéger, c’est aussi protéger les autres, avec ou sans RAMQ. M. Guindon rappelle : « Tout le monde a des relations sexuelles, il ne faut pas se mettre la tête dans le sable. C’est un enjeu important. »

Une recrudescence des cas de VIH

La Fondation canadienne de recherche sur le sida (CANFAR) a récemment fait part d’une « hausse alarmante » de 24,9 % des nouvelles infections au VIH au Canada. Avec une moyenne de 4,7 cas pour 100 000 habitants, le Québec se positionne en 3e position derrière la Saskatchewan et le Manitoba.

Parmi les explications, on peut noter une diminution des campagnes de promotion du condom ou encore de sensibilisation au virus. De plus, le traumatisme de la crise vécue dans les années 1980-1990 s’éloigne et, en l’absence de campagnes de prévention massives, les nouvelles générations craignent de moins en moins la maladie.

Mathieu Guindon rappelle toutefois que depuis plusieurs années, le nombre de dépistages a considérablement augmenté lui aussi, ce qui peut expliquer en partie la hausse de nouveaux cas détectés.

Mais quelle que soit l’explication de cette hausse, la solution reste l’accès massif à la prévention, au dépistage et à la prise en charge des ITSS.

 

VIH : la cible 95-95-95

Le saviez-vous? Les traitements antiviraux suivis par les personnes atteintes du VIH permettent de rendre le virus indétectable dans le sang. Ainsi, la personne ne peut plus transmettre le virus. On le résume par la formule I=I, pour « indétectable = intransmissible ».

Grâce à ces avancées médicales, l’ONUSIDA vise la fin de l’épidémie dans le monde d’ici à 2023, grâce à la cible 95-95-95 :

  • que 95 % des personnes atteintes du VIH connaissent leur statut;
  • que 95 % des personnes connaissant leur statut soient traitées;
  • que 95 % des personnes traitées aient une charge virale indétectable.

Atteindre cette cible permettrait ainsi de briser la chaine de transmission. Actuellement, on estime qu’environ 6 590 personnes au Canada vivent avec le VIH sans le savoir, et sont ainsi plus susceptibles de le transmettre.

 
 

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